Posture et effort dans le tir à l'arc (1)

Posture et effort dans le tir à l'arc - I -
De Consol Bofill

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Au-delà du fait sportif, on peut vivre la pratique du tir à l’arc comme une expérience qu’on pourrait qualifier de transcendantale, immanente, fondamentale. Elle se présente alors comme quelque chose qui se réalise d’elle-même, génératrice d’une sensation de facilité, de légèreté et - en même temps - de plénitude et perfection. La totalité du processus (prendre l’arc, se préparer à tirer, regarder la cible, lâcher la flèche) nécessite pourtant une attitude et une disposition qui ne sont pas toujours possibles et accessibles pour la personne qui tire, car elles dépendent plus de sa propre « image de soi » que de l’acquisition d’une technique ou d’une habileté.

« Chacun d’entre nous parle, bouge, pense et sent d’une manière différente et qui est en accord dans chaque cas avec l’image de soi que chacun a construit avec les années ».

Il n’est pas rare qu’après plusieurs années de pratique du tir à l’arc, ayant acquis de bonnes connaissances techniques, l’archer se trouve dans des situations qui le dépassent, même s’il respecte toutes les consignes et recommandations. Il ressent tout ce qu’il faut faire, prend la posture correcte, prend l’arc et suit toutes les étapes jusqu’au lâcher de la flèche, mais beaucoup des choses se produisent alors, sauf celles auxquelles il s’attendait … Il s’agit moins de ce que l’on pourrait dire qui devrait arriver par rapport au résultat du tir vers la cible que de la réaction du corps, de l’esprit, des émotions, de comment l’archer se sent. Quelque chose l’empêche alors de suivre les indications précises reçues, malgré l’effort fourni : il y a quelque chose qui résiste, il y a quelque chose qui se dérobe à sa compréhension et à sa volonté.

Et souvent, c’est parce qu’il ne s’agit pas de « faire » quelque chose, mais bien de ce qu’il faut « arrêter d faire » pour ne pas interférer dans l’expression d’une authentique autorégulation, ou – et c’est la même chose - pour que quelque chose puisse arriver (en réalité), allant au-delà des limites du possible.

« Transformer l’impossible en possible, le possible en facile, le facile en élégant ».

L’image de soi se développe depuis la tendre enfance, par le biais de la relation avec l’extérieur et avec soi-même. Elle répond à une conception déterminée du Moi, fruit d’un contexte historico-culturel. La manière dont on agit et le développement d’un potentiel propre, la manière de s’impliquer avec efficacité et de développer ses possibilités personnelles à toutes les facettes de son être, dépendent dans une large mesure de l’image de soi personnelle (sensation de soi, conscience de soi, croyances à propos du soi…), étant donné qu’elles dessinent les limites qu’on découvre dans nos mouvements, dans notre posture et - en généra - dans la communication avec l’environnement.

Faire attention à ses propres difficultés ou limites dans l’action, la posture, les relations, etc. est une voie qui met en évidence les croyances auxquelles on répond, avec tous les clichés qui conditionnent la perception de soi. L’image de soi se trouve avant, au centre et après le tout faire, concevoir, décider. C’est une construction dont l’être humain dépend complètement, car - quand ce n’est pas conscient - cela nous empêche de vivre, de penser, de décider par nous-même, laissant l’espace ouvert au fait « d’être vécu », pensé, dirigé par une autre volonté.

À partir d’une attitude pleinement consciente, l’arc, la flèche, la cible et la personne établissent un dialogue qui s’ouvre à un autre espace où il n’y a plus de différenciation, qui forme une même réalité, comme en zazen où la relation entre posture et réalité, la personne et l’extérieur, se recrée sans cesse, relation parcourue par de fugaces événements et d’innombrables micromouvements qui génèrent une complicité entre quiétude et dynamisme. La façon dont la personne se perçoit change, se reconnait dans la relation avec l’arc et ce qu’elle sollicite, tout en élargissant la conscience de soi et en se découvrant « autre » dans chaque nouvelle rencontre.

 

Novembre 2020.

Mots-clés: nl32

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