** La Covid-19

Par Chantal Baiettini – Responsable du dojo de Clarens (Suisse).

 

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Le monde est pris en flagrant délit.

Et pourtant depuis longtemps, certaines voix se sont élevées pour dénoncer des grandes causes. Tous ces messages n’étaient que l’expression d’une prise de conscience, que ce soit au niveau de la consommation, des changements sociétaux, de l’environnement, du réchauffement climatique et tant d’autres grands sujets.
Quasiment tous, nous étions prêts dans nos têtes à « faire quelque chose », mais quoi ? Qui allait commencer ? Comment faire pour ne pas ébranler une économie qui ne repose - pour ainsi dire - que sur le super profit des multinationales et de ses multimilliardaires.
Plein d’idéalistes ont quitté leur capitale pour se retrouver fermiers, médecins de campagne, pharmacien de province, éducateurs dans un petit village, comme si la désertion de nos campagnes d’il y a 30 ans pour aller dans la lumière de la ville avait été un étonnement pour certains cœurs affamés de stress et de bruit.

Dans un premier temps, tout était à réapprendre. Réapprendre à ouvrir la fenêtre et entendre les oiseaux chanter le printemps, voir les fleurs montrer leurs couleurs printanières. Contempler les enfants qui grandissent et s'émerveillent du passage des saisons et de ce qu’elles procurent.
Ressentir viscéralement que la seule loi qui nous régit est l’interdépendance, celle qui parfois se rue sur nous sans crier gare. Mais il faut se distancer du bruit pour observer cette impermanence qui démonte les projets qui ont habité nos esprits et nos espérances si fortement.
Balayés, liquidés, plongés au plus profond de l’océan, ils se recouvrent soudain d’une « mousse d’abandon ». Ce n’est d’ailleurs qu’à ce prix que le « renouveau » peut apparaître, que l’esprit neuf peut s’illuminer de l’expérience du vide. « Du bon usage des crises » écrivait Christiane Singer.

Mais comme disait ma mère : « Il faut du bon sens, de la jugeote, pour participer pleinement à cette transformation du plus profond de l’être et avoir la force pour la réaliser. Et ce bon sens, c’est l’écoute de la chanson intérieure qui réduit le monde à l’amitié et à l’admiration. Lâcher le bruit qui détruit les mensonges qu’on se raconte, les illusions qu’on désire et véhicule solidement. Se réveiller de nos rêves éveillés. Sortir des chemins que la société veut nous faire suivre, pour notre bonheur ». Voilà ce qu’elle disait.

Les enseignements du Bouddha sont d’une telle richesse à ce sujet. Ce que nous appelons « décision de Dieu » dans notre tradition chrétienne, le Bouddha l’appelle impermanence. Personne ne peut contester que nos cellules se transforment sans cesse et cela prouve que le simple fait d’exister tient de l’interdépendance, de cette mouvance continuelle dont parlent les physiciens.
L’existence est donc un continuum qui prend différents visages et dont l’interdépendance est le fil conducteur. Rien de stable. Comme ces magnifiques pâquerettes des jardins qui ne durent que jusqu’à la déclaration formelle du printemps.
Ainsi que le Coronavirus qui sévit en ces temps de grands questionnements ne réduise pas le monde à ces camions militaires qui transportent des cercueils anonymes, à ces médecins et autres personnels de soins qui dépassent leurs limites, mais qu’il laisse le doute s’infiltrer dans le cœur des humains, quant à la suite qu’ils vont donner à cette période sombre et douloureuse.

« Même si on aime les fleurs, elles fanent, même si on n’aime pas les mauvaises herbes, elles poussent ! »

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Ceci est un texte écrit en mars 2020 en Suisse. Et voilà qu’une année plus tard, il reste le même, avec en plus ce « ras-le-bol » (compréhensible) de l’économie qui s’étiole et met sur le carreau un bon nombre de ses acteurs. Sans compter les étudiants et leurs études, les restaurateurs et leurs restaurants, les petits commerces et leurs messages du terroir, et la jeunesse privée de rencontres et de fêtes.

Cette nouvelle société qui surgit de cet arrêt brusque ne semble pas prête à supporter un poids pareil. La fragilité qui l’a fait naître ne lui donne pas la chance d’y voir clair et de digérer cet obstacle mis sur sa route. Les états ajustent leurs politiques de confinement à coups de dollars et d’euros. Mais cela ne suffit pas vraiment. Certains ont perdu la foi, les autres tentent de se reconvertir et une source intarissable de nouveaux services apparaît sur la Toile et dans les chaumières. Cela permet de rester vivants !
Pendant ce temps, la Covid suit son chemin tout comme les vaccinations qui s’organisent, dans nos villes et dans nos esprits. Les seniors se ruent dans les vaccinodromes, pour qu’ainsi les petits-enfants retrouvent leur Papy et Mamy avec joie. Les parents peuvent télétravailler plus tranquilles, en attendant mieux, ou peut-être même pas. Il semble que les voyages deviennent de possibles nouvelles aventures. Bref, tout bouge dans le sens d’un retour à la normalité d’avant.

Mais il manque quelque chose, comme si un ressort était cassé. La liberté d’action, l’espoir, la confiance, cet élan vital qui fait de l’existence cette perle qui roule et nous entraîne avec elle. Toute cette invincibilité dont la société moderne nous a faussement parés.
Il va falloir se mettre au travail pour réfléchir, s’efforcer de s’extraire des cendres actuelles pour établir - en premier lieu - une paix familiale, pour qu’elle se transmette à la société, au pays, au continent et à la terre entière.
Devenir plus solidaire et forger un lien profond et vrai entre les hommes, les ethnies, les nations et les continents. Tendre les mains, les ouvrir pour se libérer des peurs et de l’égoïsme et accueillir le samsara comme le seul et inévitable terrain de jeu, afin qu’ainsi il se transforme en nirvana.
Redéfinir nos attentes en fonction de ce temps « covidien », ce qui signifie nous mettre au chevet de tout ce qui fait notre vie et qui a été mis au pied du mur. Ne pas s’échapper par des pitreries compensatoires loufoques, mais accepter de s’être vus plongés dans la tourmente, pour qu’en ressorte une ère nouvelle à l’aube de laquelle la solidarité s’exprimera et la barbarie tentera de se taire.


Il fait bon rêver !

Chantal.

Mots-clés: NL33

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